Le problème du registre national d’identification, une crise de trop à désamorcer avant la tenue des élections

Le 31 Octobre 2018

L’observation de la compétition politique (élections) 

L’Observatoire Citoyen pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID) note, avec une grande préoccupation, que la situation actuelle du registre national d’identification des citoyennes et des citoyens fait l’objet d’une controverse troublante entre des responsables gouvernementaux, des membres du Sénat de la république et une firme internationale contractée par l’État haïtien. En effet, dès le début du mois d’août 2018, plusieurs articles et prises de position publiés dans la presse comportent des allégations ou même des faits qui confirment que l’état du registre national d’identification est une urgence qu’il ne faut plus passer sous silence. Les acteurs tant de la société civile que des partis politiques se doivent donc d’exiger des autorités un minimum de transparence sur cette question cruciale qui concerne la vie civile et politique des citoyennes et des citoyens, la sécurité du pays et l’organisation d’élections transparentes et fiables.

Au-delà de la polémique insolite entre les autorités du gouvernement (Ministère de la justice, Office National d’identification), de la Cour des comptes et du Contentieux administratif et du Sénat (en particulier le Président de la Commission Éthique et Anti-Corruption) portant sur la régularité ou non d’un contrat de 27 millions de dollars signé avec la firme allemande Dermalog pour la modernisation et la sécurisation du système d’identification, l’OCID estime très graves les affirmations suivantes contenues dans la note rectificative publiée par l’ONI dans le journal Le Nouvelliste en date du 10 août 2018 :

« a) le serveur de la base de données est complètement saturé, donc il est impossible de donner une carte d’identification nationale fiable et viable aux citoyens qui en font la demande ; b) les 90% des Par Mobiles (ordinateurs d’enregistrement) sont en mauvais état et obsolètes ; c) les pièces sont toutes indissociables, c’est-à-dire qu’aucune d’elles ne peut être remplacée séparément ».

De tels constats de l’organe même chargé du registre national d’identification sont d’autant plus préoccupants qu’ils soient dressés dans un contexte où un nouveau contrat est dénoncé, après que 50 millions de dollars aient été investis en 2012 (il y a à peine 6 ans) pour implanter le système qui a été reçu par l’ONI en 2015 (selon la firme Smartmatic). Pire encore, tandis que l’ONI est péremptoire sur l’irréversibilité de la « défectuosité » des équipements, la firme Smartmatic soutient, dans une réaction parue au journal Le Nouvelliste le 30 août 2018, que le système n’a besoin que de maintenance et de mise à jour, et qu’elle en a fait la recommandation à l’ONI en décembre 2017.

Face à ce flou troublant qui entoure le système national d’identification, un facteur si crucial pour la tenue d’élections crédibles, la stabilité politique et l’avenir du pays, l’OCID exhorte les autorités étatiques au plus haut niveau à :

  • Élucider au plus vite cet imbroglio par la communication d’informations très claires sur la situation réelle du système national d’identification ainsi que sur les mesures adoptées ou envisagées pour redresser la barre ;
  • Prendre des mesures célères et transparentes pour s’assurer que le problème soit résolu avant la tenue des élections de 2019 ;
  • Traiter avec sérieux la mise à jour du registre d’identification qui concerne notamment près de 200,000 jeunes qui atteignent leur majorité chaque année et acquièrent ainsi leur droit de participer aux élections ;
  • Élargir le débat autour de la révision de la législation sur l’identification par de larges consultations.

Enfin, l’OCID saisit l’occasion pour exprimer sa profonde sympathie aux familles victimes du dernier séisme qui a frappé le pays, en particulier les populations de Port-de-Paix et de Gros-Morne qui sont les plus durement touchées. Il en profite aussi pour inviter toute la population à la vigilance.

L’Observatoire Citoyen pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID), consortium de la société civile formé de l’Initiative de la Société Civile, du Centre Œcuménique de Droits Humains et de JURIMEDIA, renouvelle son engagement à observer les processus politiques, en particulier les élections, selon une approche scientifique et non partisane, et à travailler à la consolidation de la démocratie en Haïti.

« Une démocratie pérenne par la vigilance citoyenne »

Pour le Comité de Pilotage de l’OCID :

Sylvie BAJEUX

Directrice exécutive du Centre Œcuménique des Droits Humains (CEDH)

Abdonel DOUDOU

Directeur exécutif de JURIMÉDIA    

Rosny DESROCHES

Directeur exécutif de l’Initiative de la Société Civile (ISC)

Pour authentification: Rosny DESROCHES (34466167) et Abdonel DOUDOU (38790493).


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